Introduction

Jʼaurais pu dire, sans grand risque de me tromper, que jʼapportais une "première" dans le domaine de la langue "Mkaaʼ" écrite si, dans cette contrée nord des "ɓǎn bə́ ŋgɔ", le Dr. Robert Hedinger de la SIL, devenu mon Conseiller, nʼavait pas déjà quadrillé la zone, dans le but dʼidentifier les dialectes. Toutefois, je ne suis pas loin de cette réalité.

Dans son ouvrage, "The Manenguba Languages", thèse de Doctorat, Docteur Hedinger affirme incontestablement quʼune ou plusieurs langues pouvaient être écrites dans cette aire linguistique. Il me plaît de préciser, avec la permission de son illustre auteur, afin de lever toute équivoque, que le titre de la thèse cité ci-dessus signifie plutôt : les langues autour du massif Manéngouba, (parce quʼil y en a plusieurs), et non la langue de Manéngouba, car beaucoup se trompaient là-dessus.

Dans sa volonté de faire dans le Moungo ce quʼil a si bien réussi chez nos frères du Sud-Ouest, le Dr. Hedinger a publié "Petite grammaire de la langue mboó", et "Lisez et écrivez la langue mbo". Mais toutes ces belles réali­sati­ons avaient manqué lʼenthousiasme et surtout de suivi au niveau des locuteurs concernés, qui conti­nu­­èrent à se contenter des langues véhiculaires adoptées pour le bien de la religion et du commerce. Il fallait bien, que quelquʼun fasse quelque chose ; car le train des langues camerounaises, écrites sur la base de lʼalphabet camerounais harmonisé, était en marche depuis plus dʼune quainzaine dʼannées, sans les "ɓǎn bə́ ŋgɔ" du Moungo.

Lʼémergence du mkaaʼ à lʼANACLAC, (lʼAssociation Nationale des Comités de Langues Camerounaises) et dans les milieux linguistiques doit être perçue, non comme un danger pour ceux qui espèrent construire avec lʼabstrait, mais comme un exemple à suivre, à améliorer et à encourager. Parce que le besoin est là, bien permanent et plus que criard : celui dʼune langue écrite, comme on lʼobserve chez les autres Camerounais.

Le développement dʼune langue est un problème scientifique que nous devons tâcher dʼéloigner de la politique qui, elle, a son rôle bien distinct à jouer dans un pays.

Il y a eu, et il y aura toujours les "ɓǎn bə́ ŋgɔ" ; quʼils soient Bakossi, Manéhas, Bakaka, Banéka, Mbǒ, Balondo, Babong ou Bakem.

Lʼalphabet que je propose dans ce lexique est conforme à lʼAlphabet Général des Langues Camerounaises adopté à Yaoundé le 9 Mars 1979 par la Réunion nationale pour lʼharmonisation des Alphabets de langues Camerounaises. Le présent lexique comprend dans sa version "Mkaaʼ-Français" 2.580 mots, et dans sa version "Français-Mkaaʼ" 3.720 mots. La présente édition, provisoire, restera ouverte à toutes les suggestions, afin de subir au moins une révision tous les ans.

Un comité de langue dont la publication des travaux de codification commencera en juin prochain, a été créé le 12 Mars 1994 à Yaoundé. Je suis son humble Coordonateur. Il siège tous les samedis au Collège Privé Madeleine, et est ouvert à tout enfant "ŋgɔ" du Moungo, qui aimerait apporter sa contribution à la codification du "Mkaaʼ".

Un premier tableau illustré de lʼalphabet "Mkaaʼ" avait déjà été mis en circulation depuis juin 1994. Tout récemment aussi, un calendrier de 24 marchés "Minɛ́ʼě", autour des Monts Kupé, Manénguba et Nlonako y compris Bangém, a été édité.

Après la découverte des diverses structures linguistiques du "Mkaaʼ" et la maîtrise de son système dʼécriture, la traduction de la bible, des cantiques du dimanche et des dépliants de vulgarisation pour la santé et lˈagriculture poursuit son petit bonhomme de chemin, avec tout lʼappui et toute lʼassistance de la Sté Internationale de Linguistique pour laquelle je ne tarirai jamais dʼéloges.

Je compte sur vous tous, où que vous soyiez, pour votre soutien à cette initiative.

Votre humble serviteur,

Jean EWANE ETAME, Yaoundé, juin 1995