Introduction

par Etienne LONFO

Le ngiemboon, une langue bantou du « grassfield », est parlée dans le département des Bamboutos, notamment dans les groupements Bangang, Batcham, Balatchi, Bamougong, la sous-chefferie Batang dans le groupement Bamété et dans le département de la Menoua, principalement dans le groupement Balessing. Ces groupements couvrent une superficie de plus de 260 km2, avec une population estimée à plus de 250.000 habitants. C’est une population dynamique, entreprenante et courageuse qui a longtemps cherché à préserver sa langue qui, au jour le jour, est utilisée par une proportion toujours plus faible de sa jeunesse qui vit aujourd’hui dans un contexte multilingue avec une domination des langues étrangères.

Il y a plus de trente ans que cet effort de préservation par le dictionnaire a commencé. C’était d’abord avec le « Lexique Français-Ngyemboon, édition provisoire » (Anderson, 1980b). Nous avons constaté que les 1.500 entrées que contenait ce lexique étaient très insuffisantes pour la langue ngiemboon. Nous avons également constaté que beaucoup de locuteurs ngiemboon, ainsi que des communicateurs (radio et autres), n’avaient pas de document de référence pour l’orthographe et le sens des mots. Alors, il nous a paru nécessaire d’élaborer ce Dictionnaire Ngiemboon-Français-Anglais pour pallier cette insuffisance.

Ainsi, depuis 1995, après la relance des cours d’alphabétisation en langue ngiemboon en 1994, nous avons commencé à collecter des mots pour ce dictionnaire. Pour y arriver, nous avons d’abord utilisé la littérature existante en langue ngiemboon, ensuite, nous avons écouté les discours oraux des natifs ngiemboon en leur posant parfois des questions. Nos questions portaient sur des expressions, des noms d’objets, la faune et la flore, etc. C’est ainsi qu’en l’an 2000, après la fusion du Lexique Français-Ngyembɔɔn (Anderson, 1980b) avec les résultats de nos recherches, nous nous sommes retrouvés avec plus de 5.000 entrées.

Pour améliorer notre méthode de collecte et de traitement des données de cette recherche, nous avons participé à deux reprises à l’atelier de lexicographie et de « Shoebox » (logiciel de traitement des données pour un dictionnaire) organisé par la SIL Cameroun, respectivement en avril 2001 et en mai 2002. Pendant ces deux premiers ateliers, de deux semaines chacun, nous avons été imprégnés des techniques de structuration du dictionnaire, de la structure des entrées, de l’orthographe et des règles d’orthographe. Après, pendant deux mois, une équipe de dix personnes a vérifié à plusieurs reprises tout ce travail qui contient un aperçu grammatical.

En avril 2001 aussi, quatre personnes très actives dans ce travail ont mis leurs connaissances en commun. Il s’agit de Moïse YONTA, Prosper DJIAFEUA, Patrice YEMMENE et moi-même, sous la coordination de Stephen Anderson, consultant linguistique à la SIL, ayant mis au point l’alphabet ngiemboon en 1978. Puis en juillet 2003, Stephen, Moïse  et moi se sont regroupées à Yaoundé pour une vérification. Ainsi, nous avons examiné tout le travail de bout en bout pour faire des corrections et pour proposer une mise en forme.

En mars 2010, Roger Blench, Marieke Martin, Stephen Anderson et moi avons passé une semaine de travail intense à Mbouda pour identifier les espèces florales et fauniques locales ainsi que leurs correspondances avec les items lexicaux de la langue ngiemboon afin que les noms scientifiques corrects et leurs appellations usuelles fassent partie de ce dictionnaire. Par la suite, Marieke Martin et moi avons passé une autre semaine à Yaoundé pour travailler sur les idéophones et sur la relation entre les suffixes verbaux et les extensions archaïques bantoïdes. A la demande de Roger Blench, Stephen Anderson a ensuite passé une année pour introduire les définitions anglaises dans ce document qui, jusque-là, n’était exclusivement qu’un dictionnaire ngiemboon-français. Pendant toutes ces années, Stephen Anderson a continué d’introduire à notre dictionnaire de nouvelles entrées aussi longtemps que je les établissais et les lui envoyais. C’est de cette manière que ce dictionnaire a gagné en épaisseur au fil des ans. Finalement, Stephen Anderson et Prosper DJIAFEUA ont ajouté deux sections, une sur les noms verbaux et une autre sur les « complémenteurs ».

Nous espérons que les locuteurs de la langue ngiemboon et autres « ngiemboonphones » trouveront en cette première édition du dictionnaire un bon aperçu du trésor culturel que la langue ngiemboon véhicule ; que tous ceux qui veulent écrire la langue ngiemboon vont se servir de ce document pour que tout le monde écrive de la même manière, surtout en ce temps où les tons phonétiques, à quelques exceptions près, ont laissé place aux tons lexicaux dans la littérature ngiemboon ;et que ce document enrichira le vocabulaire des uns et des autres pour une meilleure connaissance de la langue et de la culture.

Nous ne pouvons pas terminer sans mentionner le concours éminent que nous ont prêté nos collaborateurs, tant de l’extérieur que de l’intérieur de la région ngiemboon. Nous pensons notamment David Thormoset, Rhonda Thwing et Robert Hedinger, tous membres de la SIL Cameroun, pour leurs contributions remarquables et à Moïse YONTA, Coordonnateur du Projet Ngiemboon, membre de l’Association Camerounaise pour la Traduction de la Bible et l’Alphabétisation (CABTAL). La saisie et les multiples corrections, d’année en année, n’ont été possibles que grâce à l’équipement mis à notre disposition par le CABTAL à Batcham-Ville, et à la bonne disposition du Coordonnateur.

Nous citons entre autres Robert TATANT, Georgette TENANG et surtout David TIOZANG pour leurs encouragements, de même que le personnel de la sous-préfecture de Batcham, de Penka Michel et de Mbouda pour la facilité accordée pour l’obtention de la liste des quartiers des groupements ngiemboon, ainsi que et bien d’autres personnes pour leurs conseils et suggestions.

Aucune œuvre humaine n’étant parfaite, nous vous demandons, utilisateurs de ce dictionnaire, d’être indulgents. Vos remarques nous seront d’une grande utilité pour l’édition prochaine qui est déjà en chantier. Ainsi, nous vous prions de nous faire parvenir à l’adresse ci–dessous vos critiques et suggestions.

Etienne LONFO                 E-mail : [email protected]

Mbouda, Région de l’Ouest, CAMEROUN